"Celui qui accepte le mal sans lutter contre lui coopère avec lui" Martin Luther King

Conclusion


De nos jours, Jack l’Éventreur serait un tueur en série comme les autres et sans doute pas le plus célèbre. Il n’a tué "que" cinq femmes, des prostituées, dans un quartier immonde fourmillant de criminels. Peu de gens seraient choqués par ces meurtres, alors que les crimes de Bundy, Alègre ou Guy Georges (de belles jeunes femmes), de Gacy ou Dutroux (des enfants et des adolescent(e)s) ont provoqué scandales et opprobres. Les assassinats de prostituées passent très souvent inaperçus et n’inquiètent pas grand monde... excepté leur famille. C’était le cas en 1888, c’est malheureusement toujours le cas à notre époque.

Et pourtant, plus d’un siècle plus tard, des centaines de livres ont été écrits et des dizaines de films ont été tournés sur les crimes de Jack l’Éventreur. Sa célébrité, sa "popularité" n’ont jamais diminué depuis l’époque Victorienne.

Cela est dû à plusieurs raisons. Il n’était pas "le" premier tueur en série de l’histoire, mais il a sûrement été le premier à apparaître dans une grande métropole où la population (même miséreuse) savait lire et où la presse était une force de changement social.

L’Éventreur est apparu à un moment où existaient de grands troubles politiques. Il servit de catalyseur. La presse critiqua ouvertement la police. Les libéraux et les réformateurs, tout comme les partisans de l’indépendance de l’Irlande, utilisèrent ces crimes à des fins politiques, pour désapprouver le gouvernement en place... et la monarchie.

Le "Pall Mall Gazette", un quotidien populaire, était dirigé par William Stead, un radical qui mena une violente campagne contre la Metropolitan Police. Le "Star", autre journal radical, était dirigé par O’Connor, un parlementaire nationaliste irlandais, qui critiquait lui aussi la Metropolitan Police. A l’époque, la monarchie britannique luttait contre les Fenians, des terroristes révolutionnaires irlandais, branche armée des républicains irlandais. Le "Star" accusait la police de trop s’occuper d’actions politiques et de négliger la sécurité intérieure. Des quotidiens libéraux, tels que le "Evening News" et le "Morning Chronicles", se joignirent bientôt aux attaques des journaux radicaux pour critiquer la police et le gouvernement conservateur.

La concurrence entre journaux et les prises de position politique provoquèrent une surenchère, des rumeurs furent créées et des journaux comme le ’Illustrated Police News’ fournirent des informations erronées ou déformées. Le "Times" lui-même fit paraître un article fortement antisémite accusant le tueur d’être un Juif suivant les préceptes du Talmud...

Néanmoins, grâce à la presse, le monde entier apprit également que la splendide capitale de "l’Empire Britannique" comportait un quartier répugnant où les enfants mourraient en bas âge, où les femmes devaient se prostituer pour survivre et où beaucoup d’hommes étaient des chômeurs ou des criminels. Les meurtres de l’Éventreur attirèrent l’attention du public sur cette misère, obligeant les bourgeois propriétaires des bâtiments à démolir les taudis pour reconstruire des logements plus décents.

Chaque jour, les journaux publiaient des articles sur l’Éventreur, expliquant les résultats des enquêtes et des actions de la police, mais propageant aussi les rumeurs. Les sentiments des habitants de l’East End et les éditoriaux attaquant les institutions de la société pouvaient être lus tous les jours par les Londoniens, mais aussi par le reste du monde.

C’est la couverture médiatique qui a fait de ces meurtres un événement "nouveau", quelque chose que le monde n’avait jamais vu auparavant.

La presse a été en grande partie responsable de la création des mythes entourant l’Eventreur, et a fini par faire d’un "simple" psychopathe un terrible croque-mitaine.

Mais la popularité de "Jack l’Éventreur" est également due à la manière dont il tuait ses victimes, en les mutilant horriblement, et au fait que son identité est toujours restée inconnue. Depuis le dernier meurtre de l’Éventreur, des centaines d’enquêteurs professionnels et amateurs ont tenté de résoudre ce mystère.

De nos jours, l’arrestation d’un tueur en série représente toujours un défi, malgré les techniques "forensiques" modernes et l’évolution de la psychologie. Peu importe la sophistication des méthodes et l’habileté des enquêteurs, certains tueurs en série ne seront jamais appréhendés.

A l’époque Victorienne, la Police Londonienne travaillait "dans le noir", sans aucune connaissance de ce type de meurtres, sans outils modernes disponibles. Les empreintes digitales, la typologie des groupes sanguins et, encore plus l’ADN, n’avaient pas encore été développés pour une utilisation policière. Même les photographies des victimes n’étaient pas très répandues. Il n’exista pas de laboratoire criminel à Scotland Yard avant 1930.

En 1888, la police ignorait l’existence des psychopathes sexuels. On parlait encore de "déments", avec des relents de vampire et de loups-garous.

Le dossier de l’Éventreur fut classé en 1892, l’année où l’Inspecteur Abberline prit sa retraite, sans que l’identité de l’Éventreur ait été établie.

La légende ne faisait que commencer.

Egger Ph.